Salut à tous !
Voici le topic concernant la fabrication de comprimés d'iodure de potassium. Comme pour la synthèse de javel, il s'agit d'un sujet que j'avais développé sur le forum Olduvaï (Fabriquer des comprimés d'iodure de potassium), et que je vous propose de partager et discuter, suite à la demande de plusieurs membres.
Comme pour la javel ici et sur Oldu, j'ajoute une petite mise en garde sur le droit d'auteur :
Je refuse toute copie ou citation quasi-intégrale de mes posts, ainsi que la reproduction de mes photos sans mon autorisation. Contact par mail pour l'obtenir, sinon vous êtes dans l'illégalité.
Ceci afin d'avertir les plagieurs du net, car j'ai eu énormément de soucis avec des sites internet qui n’hésitaient pas à utiliser mes écrits pour vendre de la marchandise sans scrupules, mais également des sites avec qui il y a eu un gros amalgame, car ils mélangeaient mes propos aux leurs.
Voilà, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Plutôt que de procéder à une simple copie du post initial, je vous propose un sujet "complété", car la problématique de l'iode est assez large. Le post lui seul aurait été insuffisant pour en cerner les contours.
Je tiens à préciser que j'avais écrit ce post en Octobre 2010, ce n'était donc pas une conséquence de Fukushima, mais bien l'aboutissement d'une rélfexion sur le problème d'approvisionnement de la population française, qui vit dans le pays le plus nucléarisé de la planète.
Anecdote intéressante : ce sujet ne comptabilisait pas énormément de lectures (entre 500 et 800) à ses débuts. Mais dès les premières annonces médiatiques de la catastrophe de Fukushima, les consultations ont commencé à grimper à raison de presque 80 lectures par heure la première semaine.
Cela représente à mon avis une partie de l'inquiétude de la population qui subitement a été confrontée à la problématique de l'accident nucléaire....et qui se rend compte que les boites de comprimés d'iode "prévues" par les autorités ne sont finalement pas si accessibles que l'on voulait bien le faire croire.
Pire, ceux qui ont creusé les protocoles prévus, se sont rendu compte de plusieurs incohérences voire de capharnaüm gordien :
- la mise en place des plans particuliers d'intervention, dont plusieurs essais ont montré une très mauvaise tournure des événements, pourtant prévus à l'avance.
- les comprimés devant être administrés avant la présence d'iode radioactif dans l'atmosphère, les stocks doivent impérativement être présents à moins de quelques heures de route de la population à livrer en cas de cata nationale; en négligeant par dessus la logistique de distribution (comment distribuer efficacement ?)
Bon nombre de pharmacie sont censées en posséder un stock en cas de péril immédiat, mais la réalité a souvent suggéré aux personnes à la recherche de ces comprimés de se tourner vers la Pharmacie Centrale des Armées (à Orléans) pour obtenir, in fine, uniquement des informations.
On arrive facilement à la conclusion que très peu d'établissements possèdent un stock, ou une quantité suffisante.
La première prise devant se faire dans l'immédiat, l'annonce d'une catastrophe susceptible de diffuser de l'iode 131 (radioactif) risque de créer un terreau propice à la panique devant une officine à 2h du matin....
Nous avons déjà des témoignages sur le comportement des gens en situation de crise légère, comme dans cette vidéo de magasin au moment des soldes. Imaginons un scénario pour lequel on aurait ajouté un enjeu sanitaire...
Tout d'abord, qu'est-ce que l'iode ?
Tout simplement un oligoélément essentiel à l'humain (comme le fer), dont la dose journalière est relativement faible. L'iode est stocké dans la glande thyroïde (à la base du cou), qui participe à de nombreuses réactions importantes du corps humain (régulation thermique, cardiaque, cérébrale, etc...); son ablation doit être suivie d'un traitement à vie, ainsi que d'une surveillance médicale accrue.
Pour plus de détails, voir vulgaris-medical.com
Un soucis majeur sous nos contrées (et la plupart des régions de la planète) est la carence prolongée en iode stable, car il s'agit d'un oligoélément relativement rare dans notre alimentation, exception faite des régimes proposant fréquemment des produits de la mer.
La carence expose à plusieurs dérèglements, comme le crétinisme pour les extrêmes, mais elle a été atténuée par les campagnes d'iodation du sel de table.
Un document de l'UNICEF ici précise d'ailleurs comment la sensibilité accrue des enfants dans les régions de Tchernobyl a été causée par une carence alimentaire en iode au moment des retombées.
En cas de catastrophe nucléaire, il y a un risque d'émission d'iode radioactif, portant principalement sur l'isotope 131. En effet, il est présent en tant que produit de fission dans les réacteurs à uranium (quelques pourcents), et toute destruction de l'édifice conduit à une émission des composés du coeur.
Cet iode est présent sous forme de gaz et se déplace donc à la vitesse des courants aériens; il est donc très difficile de le capturer.
Il peut ensuite se fixer aux poussières atmosphériques pour retomber sur la surface terrestre, où il sera absorbé par la biosphère.
Le régime carencé en iode contribue fortement à cette absorption par la thyroïde, qui est bien heureuse de trouver le produit de base pour ses réactions de synthèse, mais qui ne sait faire de différence entre isotope stable (127) et radioactif (131 principalement).
L'iode 131 est un émetteur Bêta-, il émet donc des électrons. Ces derniers sont, en cas d'irradiation externe, bloqués par la peau ou de minces couches de protection, mais sont extrêmement néfastes en cas d'irradiation interne (dans la thyroïde donc) car l'énergie des rayons B- est entièrement transmise aux cellules de l'organe.
Il a une demi-vie (période radioactive) de 8 jours. C'est à dire qu'au bout de 8 jours, la moitié des atomes radioactifs présents dans une quantité donnée a disparu (en émettant des rayonnements).
Cette période est assez courte, ce qui explique que l'iode 131 disparaît assez vite de l'environnement (décroissance exponentielle), si bien qu'au bout de 7 fois la période (56 jours), il reste moins de 1% du produit initial pour une quantité d'atomes donnée.
On peut ainsi avoir une première estimation de la fraction de pollution qui nous arrive dessus en comptant le nombre de jours qu'a mis l'iode pour voyager du lieu de la catastrophe jusqu'à nous. Par exemple, s'il y a plus de 8 jours de voyage, on est sûr qu'une source donnée (un nuage par ex) a perdu la moitié de son activité.
Si l'iode est émis en continu, comme cela a été le cas pour Tchernobyl (ou Fukushima sur plusieurs jours), de nouveaux atomes d'iode 131 sont émis du site de la catastrophe en venant compenser en partie ceux qui se sont désintégrés.
La faible demi-vie est corrélée à une activité très importante; le nombre de désintégration par seconde, en Becquerel et donc très élevé pour une quantité relativement faible, avec environ 4600 milliard de becquerels (4,6 TBq) par milligramme !
A titre de comparaison le césium 137, qui est un autre élément radioactif produit de la fission de l'uranium, a une demi-vie de 30 années et une activité de 3,3 milliards de becquerels par mg (3,3 GBq).
L'enjeu dans cette histoire est donc de saturer la thyroïde en iode stable avant le passage du nuage pollué à l'iode 131 afin que les éléments radioactifs ne soient pas fixés dans l'organisme....d'où l'intérêt de la prise précoce.
Trouver les fameux comprimés d'iode stable, est actuellement le parcours du combattant; en revanche, les pharmacies vendent pour la plupart de l'iodure de potassium pur sous forme de poudre; c'est une base pour de nombreuses préparations et pour neutraliser certaines solutions.
Prix : 1,20€ les dix grammes (sachant que les fournisseurs le facturent 50€ maxi le kg), soit environ de quoi fabriquer 100 comprimés d'iode pour le premier jour post-cata nucléaire (100mg, je le nommerai C1), ou un peu plus de 600 comprimés "d'entretien" pour les jours suivants (15mg, nommés C2), ou encore comme ici 30 traitements personnels pour huit jours.
Je précise qu'il s'agit ici d'iodure de potassium (KI) et non de l'iodate de potassium (KIO3), qui n'ont absolument pas la même masse volumique, ni le même pourcentage massique de potassium, et donc le même calcul in fine.
KI est formé d'un ion potassium (K), et d'un ion d'iode stable (I-). L'ensemble forme un réseau cristallin de la même manière que le chlorure de sodium KCl (sel).
Il se présente également sous forme de "sel".
Le but est de saturer la thyroïde en iode non radioactif avec une dose adéquate afin d'empêcher l'iode 131 de s'y déposer et de porter à conséquence (troubles thyroïdiens, cancers, etc...).
La quantité recommandée pour un adulte est de 100mg pour C1, dont l'ingestion suit immédiatement l'alerte donnée par les autorités.
La dose C2 se situant à environ 15mg, n'est à prendre que si le danger persiste les jours suivants; l'excès d'iode pouvant mener à une hyper/hypothyroïdie (nervosité, température du corps variable, prise de poids, etc...) et à l'iodisme (pharyngite, acné, etc...), particulièrement chez les personnes âgées, chez qui le traitement a moins d'intérêt par ratio bénéfice-du-traitement/risque-des-effets-secondaires.
Source pubmed : Iodine kinetics and effectiveness of stable iodine prophylaxis after intake of radioactive iodine
Ces quantités doivent bien entendu s'adapter pour l'administration à des enfants et nourrissons.
Il convient d'avoir à l'esprit que cette première dose correspond à plus de 1000 fois la dose journalière recommandée en temps normal (sans risque radioactif) !
A la base, je suis parti dans la pesée de l'iodure à la balance milligramme. Puis je me suis aperçu que ce post ne présenterait aucun intérêt étant de donné que ce matériel est peu répandu dans les cuisines.
A la place, nous allons ruser en utilisant la masse volumique de l'iodure de potassium pur. C'est une technique qui possède sa part d'approximation, et je ne peux que conseiller d'utiliser un matériel adéquat, mais faute de mieux, cela représente toujours un intérêt en k2kk.
Le KI est peu hygroscopique, ce qui permet de rarement fausser les pesées (un composé qui absorbe l'humidité change de masse). Il a une masse volumique de 3.13g/cm3 à 20°C.
Nous devons donc :
- pour obtenir une dose de 100mg pour C1, avoir un volume de 0.03194 cm3 soit 31.94mm3
- pour obtenir une dose de 15mg pour C2, avoir un volume de 0.00479 cm3 soit 4.79 mm3
- obtenir plusieurs comprimés homogènes
- mesurer la marge d'erreur possible
Nous allons créer un "moule" qui conservera le ratio de 31.94 mm3 entre chaque comprimé C1 et 4.49mm3 pour C2.
On pourrait penser à une recette classique genre "je verse 10g dans 100g de farine, et on touille pour faire nos cookies", mais c'est une erreur car l'iodure de potassium risque de présenter des zones hétérogènes, dues à un mélange insuffisant et une mauvaise répartition des composés (l'hydrophobie entrant en jeu). Ici, la méthode est plus lente, mais plus précise.
La pesée de l'iodure de potassium :
Ingrédients :
- 10,00g d'iodure de potassium, pour 1,20€.
- un stylo à encre
Le meilleur moyen que j'ai trouvé à la disposition d'à peu près n'importe qui sur le continent : le stylo à encre genre b*c :
La cartouche, vidée de son encre et bien nettoyée, est un long tube de 2mm de diamètre intérieur. C'est à dire d'un rayon de 1mm.
Pour C1 :
Nous savons que l'aire de la base d'un cylindre vaut Pi * r2 soit Pi * 1, nous avons donc l'aire de la base valant Pi, soit approximativement 3.1415 mm3.
Afin d'avoir le volume de notre cylindre, il suffit de multiplier l'aire de la base par la longueur.
On voit où on veut arriver : 3,1415 multiplié par 10mm nous donnent un volume de 31.41mm3, soit une valeur très proche par défaut de nos 31.91mm3 calculés précédemment, car la marge d'erreur est de 1.56%.
Nous avons dont au plus 98mg d'iodure de potassium par comprimé
Si nous choisissons 11mm, nous aurons une masse de 108mg, et avec 9mm une masse de 88mg.
La marge d'erreur n'est donc pas dérangeante dans le sens où bon nombre d'études préconisent un dose pouvant aller jusqu'à 150mg. Perso, j'ai choisi 11mm de longueur afin d'avoir une dose de 108mg.
Avec ce dernier, nous allons prélever une dose de KI jusqu'au trait (placé à 11mm du bord donc). Je conseille de prendre un récipient profond en verre, afin de permettre une certaine épaisseur lors du prélèvement.
A l'aide d'une tige de métal faisant exactement 2mm de diamètre, nous pourrons compacter le KI (il n'est pas compressible) afin d'ôter les éventuelles bulles d'air.
Pour C2 : afin d'avoir une dose de 15mg, il faut situer le trait à 1,52mm du bord. Personnellement, j'ai choisi 1,5mm, ce qui est plus facile à poser avec une règle au demi-millimètre, soit une approximation par défaut de 1,3% ce qui nous donne quasiment une dose réelle maxi de 15mg.
La mise en "comprimé" :
A la base, je m'étais tourné vers une recette de pâte à sel, car la température de fusion de KI est de 686 °C, soit largement de quoi passer au four. Mais j'ai eu un doute sur la biodisponibilité et la cinétique de l'iode une fois ingéré avec une pâte à sel complètement déshydratée, car le facteur temps est primordial dans l'ingestion en urgence d'iode face à une alerte.
Et à l'inverse, la durée limite de conservation avec une recette un minimum hydratée (gâteau, cookies, etc...) empêche la conservation sur le long terme.
Si vous avez une idée de très longue conservation, n'hésitez pas à poster ici
Pour faire encore plus simple : toutes les pharmacies vendent des "gélules" vides en cellulose (pouvant être digérées, afin de créer leurs propres médicaments sur commande, mais aussi de le permettre pour les éventuels clients.
Les volumes proposés sont en général 0,25mL 0.31mL et 0.40mL.
J'avais compté mélanger la faible quantité avec un excipient. A la base, le choix s'était porté sur la farine, mais sa péremption et la présence de gluten m'ont poussées à choisir du sucre blanc, n'ayant pas de péremption dans des conditions de stockage optimales, comme l'iodure de potassium.
Personnellement, j'en ai pris 210 de contenance 0.25mL et 30 de 0.31mL. Le volume est symbolique, et représente le gros (C1) et le petit comprimé (C2) qui font la distinction de ce qu'il faut utiliser en cas de syndrome du chimpanzé post-catastrophe.
De cette manière, nous pouvons réaliser 30 premières doses (108mg), et pour chacune d'elles 7 doses d'entretien (15mg), soit un traitement possible pour 30 personnes pour huit jours.
Ce n'est pas un hasard, j'ai choisi cette durée par la demi-vie de l'iode 131; mais il faut avoir à l'esprit que le traitement de fond n'est nécessaire uniquement si le risque radiologique persiste.
La tige permet ensuite de pousser le KI dans la gélule.
En gros plan : un dose de 108mg:
Pour 30 gélules de 108mg, en retranchant le poids de l'enveloppe, on arrive en vérifiant avec la balance milligramme à un total de 3216 mg ! On a pas fait d'énorme écart, avec en moyenne 107.2mg d'iodure de potassium par comprimé.
Pour 210 gélules de 15mg, nous avons un total de 3120mg, soit une moyenne de 14.8mg, ouf !
Les gélules sont ensuite complétées de sucre blanc; l'ensemble étant théoriquement à conservation illimitée dans des conditions d'entrepôt idéales (au sec, < 30°C, le KI étant un composé minéral stable).
Pourquoi du sucre ?
Il y a plusieurs raisons, mais l'ajout n'est pas vital.
- Pour une histoire de poids : 100mg, c'est léger, et j'ai eu un mal fou à les manipuler avant de pouvoir mettre du sucre. Une fois remplis, ils étaient plus lourds, et à mon goût plus faciles à distribuer dans les contenants.
- L'iodure a un goût assez désagréable, et pris tel quel, il provoque exceptionnellement de petites aigreurs, le sucre permet de les diminuer un tant soit peu; d'ailleurs, on conseille de prendre les comprimés avec un jus de fruit, ou un verre de lait pour les enfants.
- Bien que le composé soit très stable, j'ai rempli le vide initialement occupé par de l'air avec du sucre, comme on le ferait avec la conservation d'autres aliments, afin d'éviter une éventuelle oxydation sur un long stockage, c'est minime tout de même.
- L'effet placebo : amha très important dans la situation où l'on se devrait de prendre les comprimés, et en donner à d'autres personnes : stress intense, risques, tout pour conditionner à demander un "traitement de choc". Avoir une ridicule petite gélule risque de créer le phénomène bien connu de "je me sens mal, ça agit pas ton truc !". Là, on minimise l'aspect psychologique avec une prise plus lourde qu'une gélule normale.
Coût final :
- 6.4g d'iodure de potassium : 1,20€ les 10g : il reste 4.6g, soit encore 46 comprimés C1.
- 210 pilules 0.25mL : 2€
- 30 pilules 0.31mL : 0,90€
Coût total : 4,10€ pour un traitement de 30 personnes sur huit jours.
Pour les enfants :
Ne les oublions pas !
Doses conseillées (Vidal 2009):
Pour un enfant :
1 prise unique de 65 mg d'iodure de potassium, soit quatre comprimés C2
Pour les nourrissons :
1 prise unique de 32,5 mg d'iodure de potassium, soit deux comprimés C2
Voilà, je suis ouvert à toutes les questions, interrogations, ou compléments; j'espère que cela aura été utile, dans une optique de prévention sereine...
Bonne cuisine, et n'hésitez pas s'il y a des passages obscurs !
Voici le topic concernant la fabrication de comprimés d'iodure de potassium. Comme pour la synthèse de javel, il s'agit d'un sujet que j'avais développé sur le forum Olduvaï (Fabriquer des comprimés d'iodure de potassium), et que je vous propose de partager et discuter, suite à la demande de plusieurs membres.
Comme pour la javel ici et sur Oldu, j'ajoute une petite mise en garde sur le droit d'auteur :
Je refuse toute copie ou citation quasi-intégrale de mes posts, ainsi que la reproduction de mes photos sans mon autorisation. Contact par mail pour l'obtenir, sinon vous êtes dans l'illégalité.
Ceci afin d'avertir les plagieurs du net, car j'ai eu énormément de soucis avec des sites internet qui n’hésitaient pas à utiliser mes écrits pour vendre de la marchandise sans scrupules, mais également des sites avec qui il y a eu un gros amalgame, car ils mélangeaient mes propos aux leurs.
Voilà, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Plutôt que de procéder à une simple copie du post initial, je vous propose un sujet "complété", car la problématique de l'iode est assez large. Le post lui seul aurait été insuffisant pour en cerner les contours.
Je tiens à préciser que j'avais écrit ce post en Octobre 2010, ce n'était donc pas une conséquence de Fukushima, mais bien l'aboutissement d'une rélfexion sur le problème d'approvisionnement de la population française, qui vit dans le pays le plus nucléarisé de la planète.
Anecdote intéressante : ce sujet ne comptabilisait pas énormément de lectures (entre 500 et 800) à ses débuts. Mais dès les premières annonces médiatiques de la catastrophe de Fukushima, les consultations ont commencé à grimper à raison de presque 80 lectures par heure la première semaine.
Cela représente à mon avis une partie de l'inquiétude de la population qui subitement a été confrontée à la problématique de l'accident nucléaire....et qui se rend compte que les boites de comprimés d'iode "prévues" par les autorités ne sont finalement pas si accessibles que l'on voulait bien le faire croire.
Pire, ceux qui ont creusé les protocoles prévus, se sont rendu compte de plusieurs incohérences voire de capharnaüm gordien :
- la mise en place des plans particuliers d'intervention, dont plusieurs essais ont montré une très mauvaise tournure des événements, pourtant prévus à l'avance.
- les comprimés devant être administrés avant la présence d'iode radioactif dans l'atmosphère, les stocks doivent impérativement être présents à moins de quelques heures de route de la population à livrer en cas de cata nationale; en négligeant par dessus la logistique de distribution (comment distribuer efficacement ?)
Bon nombre de pharmacie sont censées en posséder un stock en cas de péril immédiat, mais la réalité a souvent suggéré aux personnes à la recherche de ces comprimés de se tourner vers la Pharmacie Centrale des Armées (à Orléans) pour obtenir, in fine, uniquement des informations.
On arrive facilement à la conclusion que très peu d'établissements possèdent un stock, ou une quantité suffisante.
La première prise devant se faire dans l'immédiat, l'annonce d'une catastrophe susceptible de diffuser de l'iode 131 (radioactif) risque de créer un terreau propice à la panique devant une officine à 2h du matin....
Nous avons déjà des témoignages sur le comportement des gens en situation de crise légère, comme dans cette vidéo de magasin au moment des soldes. Imaginons un scénario pour lequel on aurait ajouté un enjeu sanitaire...
Tout d'abord, qu'est-ce que l'iode ?
Tout simplement un oligoélément essentiel à l'humain (comme le fer), dont la dose journalière est relativement faible. L'iode est stocké dans la glande thyroïde (à la base du cou), qui participe à de nombreuses réactions importantes du corps humain (régulation thermique, cardiaque, cérébrale, etc...); son ablation doit être suivie d'un traitement à vie, ainsi que d'une surveillance médicale accrue.
Pour plus de détails, voir vulgaris-medical.com
Un soucis majeur sous nos contrées (et la plupart des régions de la planète) est la carence prolongée en iode stable, car il s'agit d'un oligoélément relativement rare dans notre alimentation, exception faite des régimes proposant fréquemment des produits de la mer.
La carence expose à plusieurs dérèglements, comme le crétinisme pour les extrêmes, mais elle a été atténuée par les campagnes d'iodation du sel de table.
Un document de l'UNICEF ici précise d'ailleurs comment la sensibilité accrue des enfants dans les régions de Tchernobyl a été causée par une carence alimentaire en iode au moment des retombées.
Il est clair que l’augmentation des cas de cancer de la thyroïde chez les enfants du fait des retombées d’iode radioactif constitue l’effet sanitaire le plus spectaculaire de Tchernobyl. Mais ironie cruelle, si les carences en iode dans la région touchée ont rendu les enfants plus vulnérables aux retombées d’iode radioactif, il y a 20 ans, elles continuent aujourd’hui encore de frapper des milliers d’enfants.
En cas de catastrophe nucléaire, il y a un risque d'émission d'iode radioactif, portant principalement sur l'isotope 131. En effet, il est présent en tant que produit de fission dans les réacteurs à uranium (quelques pourcents), et toute destruction de l'édifice conduit à une émission des composés du coeur.
Cet iode est présent sous forme de gaz et se déplace donc à la vitesse des courants aériens; il est donc très difficile de le capturer.
Il peut ensuite se fixer aux poussières atmosphériques pour retomber sur la surface terrestre, où il sera absorbé par la biosphère.
Le régime carencé en iode contribue fortement à cette absorption par la thyroïde, qui est bien heureuse de trouver le produit de base pour ses réactions de synthèse, mais qui ne sait faire de différence entre isotope stable (127) et radioactif (131 principalement).
L'iode 131 est un émetteur Bêta-, il émet donc des électrons. Ces derniers sont, en cas d'irradiation externe, bloqués par la peau ou de minces couches de protection, mais sont extrêmement néfastes en cas d'irradiation interne (dans la thyroïde donc) car l'énergie des rayons B- est entièrement transmise aux cellules de l'organe.
Il a une demi-vie (période radioactive) de 8 jours. C'est à dire qu'au bout de 8 jours, la moitié des atomes radioactifs présents dans une quantité donnée a disparu (en émettant des rayonnements).
Cette période est assez courte, ce qui explique que l'iode 131 disparaît assez vite de l'environnement (décroissance exponentielle), si bien qu'au bout de 7 fois la période (56 jours), il reste moins de 1% du produit initial pour une quantité d'atomes donnée.
On peut ainsi avoir une première estimation de la fraction de pollution qui nous arrive dessus en comptant le nombre de jours qu'a mis l'iode pour voyager du lieu de la catastrophe jusqu'à nous. Par exemple, s'il y a plus de 8 jours de voyage, on est sûr qu'une source donnée (un nuage par ex) a perdu la moitié de son activité.
Si l'iode est émis en continu, comme cela a été le cas pour Tchernobyl (ou Fukushima sur plusieurs jours), de nouveaux atomes d'iode 131 sont émis du site de la catastrophe en venant compenser en partie ceux qui se sont désintégrés.
La faible demi-vie est corrélée à une activité très importante; le nombre de désintégration par seconde, en Becquerel et donc très élevé pour une quantité relativement faible, avec environ 4600 milliard de becquerels (4,6 TBq) par milligramme !
A titre de comparaison le césium 137, qui est un autre élément radioactif produit de la fission de l'uranium, a une demi-vie de 30 années et une activité de 3,3 milliards de becquerels par mg (3,3 GBq).
L'enjeu dans cette histoire est donc de saturer la thyroïde en iode stable avant le passage du nuage pollué à l'iode 131 afin que les éléments radioactifs ne soient pas fixés dans l'organisme....d'où l'intérêt de la prise précoce.
Trouver les fameux comprimés d'iode stable, est actuellement le parcours du combattant; en revanche, les pharmacies vendent pour la plupart de l'iodure de potassium pur sous forme de poudre; c'est une base pour de nombreuses préparations et pour neutraliser certaines solutions.
Prix : 1,20€ les dix grammes (sachant que les fournisseurs le facturent 50€ maxi le kg), soit environ de quoi fabriquer 100 comprimés d'iode pour le premier jour post-cata nucléaire (100mg, je le nommerai C1), ou un peu plus de 600 comprimés "d'entretien" pour les jours suivants (15mg, nommés C2), ou encore comme ici 30 traitements personnels pour huit jours.
Je précise qu'il s'agit ici d'iodure de potassium (KI) et non de l'iodate de potassium (KIO3), qui n'ont absolument pas la même masse volumique, ni le même pourcentage massique de potassium, et donc le même calcul in fine.
KI est formé d'un ion potassium (K), et d'un ion d'iode stable (I-). L'ensemble forme un réseau cristallin de la même manière que le chlorure de sodium KCl (sel).
Il se présente également sous forme de "sel".
Le but est de saturer la thyroïde en iode non radioactif avec une dose adéquate afin d'empêcher l'iode 131 de s'y déposer et de porter à conséquence (troubles thyroïdiens, cancers, etc...).
La quantité recommandée pour un adulte est de 100mg pour C1, dont l'ingestion suit immédiatement l'alerte donnée par les autorités.
La dose C2 se situant à environ 15mg, n'est à prendre que si le danger persiste les jours suivants; l'excès d'iode pouvant mener à une hyper/hypothyroïdie (nervosité, température du corps variable, prise de poids, etc...) et à l'iodisme (pharyngite, acné, etc...), particulièrement chez les personnes âgées, chez qui le traitement a moins d'intérêt par ratio bénéfice-du-traitement/risque-des-effets-secondaires.
Source pubmed : Iodine kinetics and effectiveness of stable iodine prophylaxis after intake of radioactive iodine
Abstract
Ingestion of potassium iodide (KI) offers effective protection against irradiation of the thyroid after accidental exposure to radioactive iodine. This prophylaxis aims at rapidly obtaining maximal thyroid protection without adverse effects. This article reviews studies on iodine kinetics in humans and on the efficacy of KI in protecting the thyroid. In adults with normal thyroid function, ingestion of 100 mg of iodide just before exposure to radioactive iodine blocks at least 95% of the thyroid dose. If exposure persists after iodide ingestion (100 mg), the percentage of averted dose may decrease significantly. Daily ingestion of a dose of 15 mg of KI would then maintain the thyroid blockade at a level above 90%. The efficacy of iodide and the occurrence of antithyroid effects also depend on external and individual factors such as dietary iodine intake, thyroid function, and age. The KI dosage regimen should be adjusted for age at exposure. For the fetus, the newborn, children, and adolescents, the risk of radiation-induced thyroid cancer in case of accidental exposure to radioactive iodine justifies KI prophylaxis, despite the risk of hypothyroidism, especially in newborns. For the elderly, the benefits of KI may be lower than the risk of iodine-induced hyperthyroidism.
Ces quantités doivent bien entendu s'adapter pour l'administration à des enfants et nourrissons.
Il convient d'avoir à l'esprit que cette première dose correspond à plus de 1000 fois la dose journalière recommandée en temps normal (sans risque radioactif) !
A la base, je suis parti dans la pesée de l'iodure à la balance milligramme. Puis je me suis aperçu que ce post ne présenterait aucun intérêt étant de donné que ce matériel est peu répandu dans les cuisines.
A la place, nous allons ruser en utilisant la masse volumique de l'iodure de potassium pur. C'est une technique qui possède sa part d'approximation, et je ne peux que conseiller d'utiliser un matériel adéquat, mais faute de mieux, cela représente toujours un intérêt en k2kk.
Le KI est peu hygroscopique, ce qui permet de rarement fausser les pesées (un composé qui absorbe l'humidité change de masse). Il a une masse volumique de 3.13g/cm3 à 20°C.
Nous devons donc :
- pour obtenir une dose de 100mg pour C1, avoir un volume de 0.03194 cm3 soit 31.94mm3
- pour obtenir une dose de 15mg pour C2, avoir un volume de 0.00479 cm3 soit 4.79 mm3
- obtenir plusieurs comprimés homogènes
- mesurer la marge d'erreur possible
Nous allons créer un "moule" qui conservera le ratio de 31.94 mm3 entre chaque comprimé C1 et 4.49mm3 pour C2.
On pourrait penser à une recette classique genre "je verse 10g dans 100g de farine, et on touille pour faire nos cookies", mais c'est une erreur car l'iodure de potassium risque de présenter des zones hétérogènes, dues à un mélange insuffisant et une mauvaise répartition des composés (l'hydrophobie entrant en jeu). Ici, la méthode est plus lente, mais plus précise.
La pesée de l'iodure de potassium :
Ingrédients :
- 10,00g d'iodure de potassium, pour 1,20€.
- un stylo à encre
Le meilleur moyen que j'ai trouvé à la disposition d'à peu près n'importe qui sur le continent : le stylo à encre genre b*c :
La cartouche, vidée de son encre et bien nettoyée, est un long tube de 2mm de diamètre intérieur. C'est à dire d'un rayon de 1mm.
Pour C1 :
Nous savons que l'aire de la base d'un cylindre vaut Pi * r2 soit Pi * 1, nous avons donc l'aire de la base valant Pi, soit approximativement 3.1415 mm3.
Afin d'avoir le volume de notre cylindre, il suffit de multiplier l'aire de la base par la longueur.
On voit où on veut arriver : 3,1415 multiplié par 10mm nous donnent un volume de 31.41mm3, soit une valeur très proche par défaut de nos 31.91mm3 calculés précédemment, car la marge d'erreur est de 1.56%.
Nous avons dont au plus 98mg d'iodure de potassium par comprimé
Si nous choisissons 11mm, nous aurons une masse de 108mg, et avec 9mm une masse de 88mg.
La marge d'erreur n'est donc pas dérangeante dans le sens où bon nombre d'études préconisent un dose pouvant aller jusqu'à 150mg. Perso, j'ai choisi 11mm de longueur afin d'avoir une dose de 108mg.
Avec ce dernier, nous allons prélever une dose de KI jusqu'au trait (placé à 11mm du bord donc). Je conseille de prendre un récipient profond en verre, afin de permettre une certaine épaisseur lors du prélèvement.
A l'aide d'une tige de métal faisant exactement 2mm de diamètre, nous pourrons compacter le KI (il n'est pas compressible) afin d'ôter les éventuelles bulles d'air.
Pour C2 : afin d'avoir une dose de 15mg, il faut situer le trait à 1,52mm du bord. Personnellement, j'ai choisi 1,5mm, ce qui est plus facile à poser avec une règle au demi-millimètre, soit une approximation par défaut de 1,3% ce qui nous donne quasiment une dose réelle maxi de 15mg.
La mise en "comprimé" :
A la base, je m'étais tourné vers une recette de pâte à sel, car la température de fusion de KI est de 686 °C, soit largement de quoi passer au four. Mais j'ai eu un doute sur la biodisponibilité et la cinétique de l'iode une fois ingéré avec une pâte à sel complètement déshydratée, car le facteur temps est primordial dans l'ingestion en urgence d'iode face à une alerte.
Et à l'inverse, la durée limite de conservation avec une recette un minimum hydratée (gâteau, cookies, etc...) empêche la conservation sur le long terme.
Si vous avez une idée de très longue conservation, n'hésitez pas à poster ici
Pour faire encore plus simple : toutes les pharmacies vendent des "gélules" vides en cellulose (pouvant être digérées, afin de créer leurs propres médicaments sur commande, mais aussi de le permettre pour les éventuels clients.
Les volumes proposés sont en général 0,25mL 0.31mL et 0.40mL.
J'avais compté mélanger la faible quantité avec un excipient. A la base, le choix s'était porté sur la farine, mais sa péremption et la présence de gluten m'ont poussées à choisir du sucre blanc, n'ayant pas de péremption dans des conditions de stockage optimales, comme l'iodure de potassium.
Personnellement, j'en ai pris 210 de contenance 0.25mL et 30 de 0.31mL. Le volume est symbolique, et représente le gros (C1) et le petit comprimé (C2) qui font la distinction de ce qu'il faut utiliser en cas de syndrome du chimpanzé post-catastrophe.
De cette manière, nous pouvons réaliser 30 premières doses (108mg), et pour chacune d'elles 7 doses d'entretien (15mg), soit un traitement possible pour 30 personnes pour huit jours.
Ce n'est pas un hasard, j'ai choisi cette durée par la demi-vie de l'iode 131; mais il faut avoir à l'esprit que le traitement de fond n'est nécessaire uniquement si le risque radiologique persiste.
La tige permet ensuite de pousser le KI dans la gélule.
En gros plan : un dose de 108mg:
Pour 30 gélules de 108mg, en retranchant le poids de l'enveloppe, on arrive en vérifiant avec la balance milligramme à un total de 3216 mg ! On a pas fait d'énorme écart, avec en moyenne 107.2mg d'iodure de potassium par comprimé.
Pour 210 gélules de 15mg, nous avons un total de 3120mg, soit une moyenne de 14.8mg, ouf !
Les gélules sont ensuite complétées de sucre blanc; l'ensemble étant théoriquement à conservation illimitée dans des conditions d'entrepôt idéales (au sec, < 30°C, le KI étant un composé minéral stable).
Pourquoi du sucre ?
Il y a plusieurs raisons, mais l'ajout n'est pas vital.
- Pour une histoire de poids : 100mg, c'est léger, et j'ai eu un mal fou à les manipuler avant de pouvoir mettre du sucre. Une fois remplis, ils étaient plus lourds, et à mon goût plus faciles à distribuer dans les contenants.
- L'iodure a un goût assez désagréable, et pris tel quel, il provoque exceptionnellement de petites aigreurs, le sucre permet de les diminuer un tant soit peu; d'ailleurs, on conseille de prendre les comprimés avec un jus de fruit, ou un verre de lait pour les enfants.
- Bien que le composé soit très stable, j'ai rempli le vide initialement occupé par de l'air avec du sucre, comme on le ferait avec la conservation d'autres aliments, afin d'éviter une éventuelle oxydation sur un long stockage, c'est minime tout de même.
- L'effet placebo : amha très important dans la situation où l'on se devrait de prendre les comprimés, et en donner à d'autres personnes : stress intense, risques, tout pour conditionner à demander un "traitement de choc". Avoir une ridicule petite gélule risque de créer le phénomène bien connu de "je me sens mal, ça agit pas ton truc !". Là, on minimise l'aspect psychologique avec une prise plus lourde qu'une gélule normale.
Coût final :
- 6.4g d'iodure de potassium : 1,20€ les 10g : il reste 4.6g, soit encore 46 comprimés C1.
- 210 pilules 0.25mL : 2€
- 30 pilules 0.31mL : 0,90€
Coût total : 4,10€ pour un traitement de 30 personnes sur huit jours.
Pour les enfants :
Ne les oublions pas !
Doses conseillées (Vidal 2009):
Pour un enfant :
1 prise unique de 65 mg d'iodure de potassium, soit quatre comprimés C2
Pour les nourrissons :
1 prise unique de 32,5 mg d'iodure de potassium, soit deux comprimés C2
Voilà, je suis ouvert à toutes les questions, interrogations, ou compléments; j'espère que cela aura été utile, dans une optique de prévention sereine...
Bonne cuisine, et n'hésitez pas s'il y a des passages obscurs !