Voilà le retex.
Je ne possède cette veste que depuis fin 2013. C'est un cadeau que l'on m'a fait en sachant qu'elle m'intéressait beaucoup. Dans mon esprit, sa vocation était d'avoir une veste pour tous les jours et tous les temps, très résistante et pleine de poches pour vivre à la campagne, travailler dehors, et porter de septembre à fin avril, et éventuellement les jours d'été vraiment pourris.
Pour moi, aujourd'hui, elle remplit parfaitement ce rôle.
Mon retour ne porte que sur une année. Je n'ai pas testé cette veste dans des situations extrêmes comme en environnement montagnard par vrai temps de neige, et fortiori pas pour une promenade sub-arctique...
Pour ce genre de situations, je préfèrerais sans hésitation me rabattre sur des vêtements techniques ad hoc. Je ne l'ai pas non plus testée en bord de mer, milieu pour lequel elle me semblerait moins adaptée qu'une vraie veste de mer.
La veste Tin cloth packer coat est détaillée ici : http://www.filson.com/products/tin-cloth-packer-coat-alaska-fit.10001.html?fromCat=true&fvalsProduct=mens/coats-jackets&fmetaProduct=1011/
Si vous êtes anglophones, ce site comporte pour chaque produit quantité de retours clients très intéressants. Il est très appréciable que ces commentaires ne soient pas filtrés par Filson : il y a des gens mécontents, qui le disent ; il y a des gens qui soulignent des inconvénients. Ce que j'écris ci-après sera je pense utilement complété par ces retex.
Je décrirai le tissu, la coupe et l'accessoirisation, en revenant pour chacun de ces points sur les avantages et inconvénients pratiques de ces caractéristiques.
1. Le tissuLa veste est en coton huilé – en fait ciré - 15 oz.
Le tissu est donc très résistant, et passablement étanche aux éléments. Il est aussi très lourd et un peu grossier.
1.1. Sur la résistance : le tissu est remarquablement épais et solide.J'ai en bas de mon terrain un roncier géant avec lequel je me bats occasionnellement faute de temps pour faire mieux. Le tin packer coat y a très bien résisté jusqu'ici. Bon, je n'ai pas non plus essayé de me frotter exprès et en appuyant comme un boeuf sur les tiges de ronce les plus grosses et rigides... Je pense que cela ferait de belles éraflures, mais il est peu probable que cela perfore. On a l'agréable sensation d'enfiler une armure. C'est vraiment très solide. Cela n'empêche pas la classique usure aux principaux points de frottement : manches, bordures de poches. Après un an et demi de port très régulier, en particulier cet hiver, durant lequel c'est le seul manteau que j'ai porté (en grande partie involontairement : mon caban a été victime d'une colonie de mites -_- ), le bord des manches a un peu noirci et s'est élmié en un point ; une couture sur une poche file un tout petit peu (on le devine sur la photo en fin de ce post).
A titre de comparaison, chez Barbour, les grands classiques waxés comme le Beaufort ou le Bedale sont en coton 6 oz, et sauf erreur de ma part, les modèles les plus résistants pour la chasse ne dépassent pas les 8 oz. Je souligne aussi, comme le disait Patoche, qu'un Barbour waxé, ça dure déjà longtemps : j'ai toujours un Barbour 6 oz que j'ai acquis en 1988 ou 1989 ; il a fait l'objet de grosses réparations en usine pour un prix très inférieur à un neuf il y a cinq ou six ans, mais cette fois, il commence franchement à rendre l'âme... J'espère donc une longévité au moins égale pour cette veste Filson.
Il semble que Filson propose également des services de réparation / retouche et même customisation, mais au vu des frais de ports et de douane, cela me paraît dans l'immédiat de la folie. En revanche, si l'on passe par Seattle...
Je n'ai pas l'expérience du G1000 de Fjallräven et ne peux donc comparer.
1.2. La cire et l'étanchéité aux élémentsRien à redire sur ce point. La veste est très coupe-vent, et j'ai pris des saucées diluviennes sans que cela transperce. Je partage donc tout-à-fait les retours des utilisateurs sur le site de Filson : il s'agit d'une veste parfaitement adaptée pour de longues journées de travail en extérieur.
Il s'agit de coton : l'étanchéité dépend donc beaucoup de la cire Filson. En un an d'usage, je n'ai pas constaté de perte de cette étanchéité. J'ai re-ciré la veste longuement une fois au début de l'hiver, sans être certain que cela soit nécessaire, mais dans un simple souci d'entretien. Cela semble faire du bien au tissu, et je me suis dit que j'allais le faire plus régulièrement.
On trouve peut-être la cire en France où Filson est distribué principalement pour sa maroquinerie ; mais faute d'en trouver facilement, j'ai commandé plusieurs boîtes sur ebay. A l'achat, une petite boîte était glissée dans une des poches de la veste.
La cire s'étale bien. Elle est moins huileuse que la cire Barbour ; lorsque j'ai déballé la veste, je n'ai pas non plus constaté la finition usine luisante (que personnellement je déteste) de certain barbours. Comme précédemment, je n'ai pas l'expérience de la Greenland wax de Fjallräven et ne peux donc comparer.
Je n'ai pas essayé d'utiliser une cire autre que celle de Filson. Quand je cherchais cette veste, j'avais vu sur la baie un autre modèle waxé qui avait été ciré avec autre chose que la cire de la marque. Le truc était dans un sale état. Après chacun est libre d'essayer, mais j'ai préféré éviter.
Encore un mot sur la cire. Quand j'ai commencé à loucher sur cette veste et avant qu'on ne me l'offre, j'ai lu un ou deux trucs dans le genre de : « ça cochonne tout dans la garde-robe », « ça salit les vêtements qui sont en dessous », ou « ça sent horriblement fort ». Je ne comprends pas, car dans l'immédiat, je n'ai pas eu ces soucis. Sur le porte-manteau ou sur le dos d'un fauteuil, j'accroche mon caban (j'ai fini par remplacer la victime des mites...) sur la veste Filson sans inquiétude. Bon, c'est peut-être que je ne cire pas assez ??
Sur l'étanchéité enfin : Filson fabrique apparemment un capuchon qui va avec la veste. Pas testé : mon chapeau de cuir fait très bien l'affaire.
1.3. Le poidsEvidemment, ce tissu huilé en 15 oz présente quelques inconvénients, à commencer par son poids, surtout que le tissu est doublé sur les épaules, les manches, le haut du torse et le haut du dos.
[Cela renforce je suppose l'étanchéité à la pluie, et quand on remet de la cire, il faut en remettre sur la couche du dessous.]
Ce poids ne m'a gêné qu'une fois ou deux des jours de grande fatigue, mais j'ai une ou deux fois prêté cette veste à des personnes frigorifiées, et toutes m'ont dit qu'elle pesait une tonne.
C'est faux : en fait, je viens de peser la veste pour cette revue et si ma balance de cuisine ne se trompe pas :
- avec sa doublure, elle pèse 2,720 kg
- sans sa doublure, elle pèse 2,200 kg sans sa doublure.
… et cela les (grandes) poches vides....
N'ayant plus du tout de temps pour des sorties longues, je n'ai testé la veste que sur de courtes marches, et surtout pour travailler en extérieur par temps moche. Là, le poids n'a pas été pas un problème.
En revanche, c'est une veste qui ajoute au poids du sac, et j'y réfléchirais donc à deux fois avant de la prendre pour une longue rando de plusieurs jours sac au dos en hiver / début de printemps / fin d'automne.
En dehors de ces périodes, emporter cette veste en rando serait je pense exclu : trop lourde encombrante pour la mettre de côté si l'on se met à avoir trop chaud.
1.4. Les qualités thermiquesa) Ce n'est évidemment pas le point le plus fort du coton huilé. Comme le dit l'un des usagers sur le site : c'est chaud quand il fait chaud (là, on cuit littéralement), et froid quand il fait froid (même si l'aspect coupe-vent est en soi un vrai plus).
b) La veste accepte cependant les différentes doublures proposées par Filson – notamment, un gilet sans manches en coton ou un gilet sans manche en laine, qui existent dans différents coloris.
Ces deux produits sont présentés comme « related items » de la veste et sont compatibles.
Ils sont faits pour être également portés comme gilets simples, et peut soit les enfiler simplement sous la veste, soit les fixer à la veste par un zip de chaque côté et un bouton en haut du dos.
On voit ici le zip d'accrochage de la doublure (en noir ; à droite en doré, la fermeture de la veste et encore à droite, les pressions du rabat):
A savoir que Filson propose d'autres produits comme « liners » : un gilet à manches longues http://www.filson.com/products/wool-jacket-liner.10036.html et une veste reporter particulièrement bien fichue et hors de prix http://www.filson.com/products/travel-vest.10060.html, dont je ne sais pas à quel point ils vont avec le tin cloth packer coat...
Pour ma part, je ne peux parler que du gilet sans manches en laine, de bonne qualité, et qui améliore significativement la performance thermique de la veste.
Le libre jeu entre la veste et son liner ajoute des couches d'air et d'isolation.
On reste cependant loin d'une doudoune bien sûr.
c) La veste et le liner sont suffisamment amples pour mettre en dessous les couches que vous voulez.Je peux sans problème et sans être engoncé faire l'oignon et empiler sous la veste: T-shirt manche courte, T shirt manche longue, grosse chemise en flanelle, plus une chemise de laine Swanndri ou un pull-over tricoté par ma chérie (elle a tricoté ça avec des aiguilles de 8, il est gros...)
1.5. L'apparence reste rugueusea) La couleur : ce modèle n'existe qu'en Tan – marron clair ; trop clair à mon goût au début, mais il se patine avec le temps, et cela ne me gêne plus.
b) On ne peut pas tout avoir, et le tissu n'est pas d'une grande finesse. C'est portable en ville avec un jean, je l'ai fait, mais on a quand même l'air de débarquer de sa forêt ou de sa cambrousse. Inenvisageable pour aller à un rendez-vous clientèle en costume. Cette veste aurait sur un costume la même pertinence que des rangers couleur désert avec le même costume. De ce côté-là, un Barbour, ou d'autres références de Filson seront certainement plus appropriés.
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2/ la coupe et l'accessoirisationa) Une coupe très ampleJe me répète : la coupe « alaska fit » est large. Cela permet une bonne ventilation : on n'a pas l'impression de cuire dans une étuve.
Après, il ne faut pas rêver, si on fait un effort significatif et que l'on transpire comme une gargoulette, il est évident le coton huilé ne va pas évacuer la transpiration comme un vêtement ultra-technique pourrait le faire !
Il existe aussi une version extra-longue à éviter quand on est comme moi court sur pattes.
Attention avec ce vêtement est épais et ample : on prend quand même pas mal de volume quand on le porte... à éviter dans les magasins de porcelaine....
b) Les rabatsLe col, doublé en laine côté cou, se referme avec une patte à bouton pression. C'est assez classique ; ce pourrait être plus chaud.
Il y a également un rabat a bouton pression sur les manches. Pour moi c'est un peu gadget, mais on a quand même le choix entre deux niveaux de serrage, et cela peut-être utile si l'on veut venir en recouvrement de gants.
Enfin, la veste se ferme par une fermeture éclair d'excellente qualité, munie de deux solides zips qui permettent de fermer en haut et d'ouvrir en bas (les cavaliers, notamment, apprécieront).
Cette fermeture est elle-même protégée par un rabat à boutons pression, qui parachève l'effet coupe-vent.
c) les poches sont dans l'ensemble bien fichues, malgré quelques regrets.- 2 poches sur la poitrine de 17 cm sur 16 cm, fermées de façon assez originale par le rabat de la deuxième couche de coton ciré, ce rabat étant muni d'un bouton pression. Sur celle de droite, est cousue en applique une petite poche à stylo bienvenue.
- 2 grandes poches en bas de la veste, elles aussi fermées par rabat à bouton pression mesurent 18 cm sur 22 cm. Elles sont très pratiques, et l'on y range sans problème un bon paquet de pagaille.
- Un regret : la face avant de ces deux poches accueille enfin de chaque côté des poches chauffe-mains. Or d'une part, ces dernières sont peu utilisables quand les grandes poches en dessous son pleines ; et d'autre part, elles ne tiennent pas tant les mains au chaud que cela.
- On regrette aussi qu'il n'y ait qu'une toute petite poche intérieure sur le côté droit (13cm de large sur 11 de haut) – mais cette poche est peu accessible quand le liner est porté zipé. Les habitués du Beaufort regretterons aussi l'absence de la poche à gibier arrière ; mais cette dernière aurait certainement encore accru le poids de la veste.
Pour sa part, le liner en laine a deux poches chauffe-main, bien sûr peu accessibles lorsqu'il est utilisé en doublure, et, c'est encore un regret, pas de poche intérieure.
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ConclusionMa conclusion va reprendre les grands traits de mon post précédent.
J'adore cette veste pour l'usage très quotidien que j'en ai, et le la recommande chaleureusement pour cet usage : donc, à qui doit passer du temps dehors par un climat frais, froid, ou humide.
D'une qualité remarquable, elle tient beaucoup de l'armure contre les ronces, contre le vent et contre la pluie, mais elle a les inconvénients d'une armure et s'avère facilement lourde, et encombrante. Il y a aussi mieux du point de vue de la protection contre le froid et de la respirabilité.
Pour toutes ces raisons, je ne la recommanderais pas forcément au randonneur, à moins que celui-ci ne soit averti et soit moins à la recherche de la performance que d'une certaine esthétique – et je renvoie à ma comparaison ci-dessus avec les sacs Frost River.
La marque Filson, le coton ciré, tout cela relève du matériel du matériel et de l'esthétique du XIXe siècle et du début du XXe. Filson, comme Frost River, le savent parfaitement et s'adressent à un public auquel parlent les images de la conquête de l'Ouest, des trappeurs à la Jack London, et de la conquête du pôle. La mode bushcraft/coureur des bois a très certainement élargi leur marché. Etant moi-même sensible aux charmes de cette esthétique, je ne vais pas m'en plaindre, mais quand on est la cible d'un marchand, il est bon de le savoir.
Il me semble que Jean Malaurie explique quelque part dans Ultima Thulé que l'homme blanc s'est évertué à faire la conquête du pôle avec des bateaux et du coton ciré, là où les inuk avaient la sagesse de prendre traîneaux et peaux de phoque. Puisque l'on parle de survie, il est certain que cela n'a pas favorisé la survie de certaines expéditions polaires (un grand nombre ont été des massacres). Bref, le coton ciré n'était et n'est sans doute pas le matériau le plus adapté aux usages auxquels on le destine encore aujourd'hui.
Un dernier mot : au moment où on me l'a offerte,
le port était compliqué à mettre en place, et c'est donc moi qui m'en suis occupé.
J'ai contacté Filson qui m'a aimablement répondu, mais en me proposant des frais de port
vraiment exorbitants en raison de son transporteur. Cela a coûté
beaucoup moins cher sur ebay auprès d'un détaillant américain qui vendait la veste le même prix, mais en proposant des frais de port bien moindres.
Attention enfin : ces produits sont soumis à
taxation au moment de l'entrée en France, et ils ne se récupèrent à la poste qu'en échange du paiement des droits.
Voilà. Bah, belle tartine. Faudrait que je me mette à la vidéo, mais c'est pas mon truc.
Amicalement
f(x)