Age, handicap & survivalisme

Il y a un an, dans un post consacré aux coupures de courant, Campeur m'avait suggéré d'ouvrir un forum sur ce thème. Voilà ce que j'y écrivais: "Le grand âge et la survie ne font pas bon ménage... il y a de quoi écrire sur ce sujet: plus d'évacuation à pied, potager difficile à entretenir, défense individuelle au corps à corps et fuite amoindries voire impossibles etc. Je me demande quelle sera la réaction de mon handyman à mon égard si SHTF. Il est au courant de - presque - toute ma vie et connait ma maison mieux que moi (c'est lui qui a installé tous les systèmes de sécurité).

Mon handyman m'a quitté et je me retrouve seul face au taf. Heureusement, je m'y étais mis il y a près de dix ans et mon accident de vie m'a touché en plein vol il y a six ans maintenant, quasi jour pour jour. J'ai soixante cinq ans, c'est déjà pas facile à supporter, mais mon accident est pire encore: une dissection de l'aorte qui a généré la pose d'une prothèse, suivie d'un AVC ishémique massif. Quelques jours de coma, trois semaines en USI et quatre mois d'hospitalisation en centre de réadaptation plus tard, j'ai adapté mon planning en tenant compte des éléments principaux suivants:

- une hémiparésie gauche qui atteint ma capacité à marcher (limitée à quelques centaines de mètre sur sol uniformément plat avec une canne) et diminue la motricité fine de la main gauche (je suis heureusement droitier)

- une fatigue chronique qui m'interdit le moindre effort.

- un gros problème articulaire dans l'épaule gauche qui cumule douleurs neuropathiques, musculaires et tendineuses.

J'ai fait de la kiné intensive pour atténuer mes troubles mais après cinq ans, j'ai laissé tombé, marre de me battre.

Quelles conséquences sur ma préparation?

Parmi les plus évidentes, je me retrouve dans l'impossibilité d'effectuer une évacuation à pied ou en vélo ou moto, de même de porter un sac à dos.
Impossible de prendre un charge seul le potager, de même d'approfondir mes maigres compétences en low-tech. Incapable dorénavant de lire un bouquin. La participation à des stages, des rencontres n'est plus envisageable. La rando, c'est fini.

Et vous, l'âge et/ou le handicap ont-ils un impact sur votre préparation?

L'âge et le handicap, quel qu'il soit, vont souvent de pair.
Comme toi, je prends de l'âge, je perds en endurance, en vitesse, en mobilité.
Cependant, j'ai du temps, ce qui compense pour ces pertes, d'une certaine manière.
L'avantage que je vois de vieillir, c'est qu'on se concentre sur l'essentiel, le moment présent, et qu'on craint moins un éventuel SHTF.
Les catastrophes naturelles: j'ai constaté, par les biais des feux de forêts dévastateurs de l'été, notamment au Québec, que le bilan pour les lieux habités et les personnes est beaucoup moins négatif que ce qu'on pourrait craindre. 
Les inondations dues aux crues printanières, je m'y suis habituée. Ma maison n'est pas à risque, et le fait d'être coupée de tout pendant un certain nombre de jours ne me stresse aucunement, je sais que tout finira par rentrer dans l'ordre. 
Les tornades, qui deviennent plus présentes, ne peuvent rien contre ma maison de rondins.
Les émeutes et autres troubles sociaux: je vis loin de l'agitation des villes.À 4km du village, au fond d'un rang sans issue donc non passant, je ne crains rien de ce côté.
Les pénuries alimentaires: avec l'âge, on sait se contenter de moins sans en souffrir, ni physiquement ni moralement. Mon stock me permet de tenir plusieurs mois.
Les pandémies: je vis seule en forêt. Si l'isolement a été dur certains jours pendant le confinement, je n'ai aucune crainte de contacter un virus ou un autre. Des 26 membres de ma famille proche, je suis la seule que la Covid n'a pas touchée.
Les coupures d'électricité: c'ets une réalité des hivers québécois, encore plus fréquentes à la campagne qu'à la ville. Avec un poêle à bois pour chauffer, cuisiner; avec la rivière adjacente à mon terrain ou la quantité de neige, pas de problème pour m'approvisionner en eau.
Que reste-t-il que je pourrais craindre? 
La vieillesse, puisqu'il faut bien la nommer, me rend zen. 
Espérant que cette sérénité tiendra bon le jour où...

Comme pour toi - et pour David Manise - mon 'âge me pousse à l'évolution de ma réflexion; nous devenons plus survivologues que survivalistes:

"Mon approche de la survie est apolitique, et se base sur un simple constat : tout être humain, toute organisation, tout pays se trouve tôt ou tard confronté à des menaces existentielles. Mon métier consiste à détecter et comprendre ces menaces le plus tôt possible, afin de pouvoir prendre les mesures nécessaires (idéalement de manière préventive, sinon de manière pro-active, et à défaut en réagissant aux évènements).

L'étude des différentes menaces m'a poussé à créer des formations au sujet de la survie, en milieu naturel, isolé ou catastrophé. Elle m'a également poussé à m'intéresser de près (entre autres) :

aux pédagogies et aux différentes théories cognitives (de manière à pouvoir transmettre ces compétences rapidement et efficacement),
à la préparation physique aux situations d'adversité,
à la self-protection,
aux premiers secours,
au stress et à ses effets, ainsi qu'à la gestion du stress,
à la résilience et à l'antifragilité,
à la coopération et aux facteurs qui permettent de faire émerger cette coopération au sein d'un groupe stressé,
au leadership.
De fait, je me spécialise dans la non-spécialisation, d'un point de vue technique et pratique. Mais sur un plan plus théorique, toute ma vie a été consacrée, d'une manière ou d'une autre, à faire en sorte que les gens meurent moins souvent. Individuellement, en petits groupes, à l'échelle d'organisations, ou à plus grande échelle[" - DM

Je vous rejoins tous les deux dans le même constat. Je suis plus jeune (55 ans), mais à 16 ans mon docteur me disait que j'avais déjà les maladies d'une personnes de 65 ans ! En fait, il ne le savait pas encore, mais j'avais (et j'ai toujours) Lyme, stade 3 (donc inguérissable). Le covid a failli avoir ma peu et j'en porte encore les séquelles.

Débit de l'année passé, mon épouse a fait un AVC et est maintenant dans le même état que toi + grosses difficultés à s'exprimer, impossibilité de lire/écrire.

Malheureusement, les sorties style bushcraft et consort, c'est du passé. Physiquement, je suis très diminué, mais comme Teacher, je fais tout à mon rythme. J'ai un petit potager qui m'apporte pas mal de légumes. Je vais à la pêche et rapporte de temps à autre ce que j'attrape, ...

J'essaye de passer le plus de temps possible dans la verte et avec ma famille, ce sont mes réconforts.

Ayant l'âge grosso modo de Corazon (+1 il y a quelques jours j'ai la chance d'avoir la santé qui est là mais je sais que cela peut changer très vite.... Accident, maladie qui se déclare, la bascule peut se faire à tout moment.
Donc pour l'instant, j'en profite entre 50 km de marche par semaine et environ autant en vélo d'intérieur (connecté donc tient compte du relief et cela me permet du voir des paysages du monde entier).
Potager , rien à faire, c'est mon épouse qui gère. Je suis plus fatigué à faire deux heures de potager qu'à marcher 18 km ! Trop statique, geste répétitif, dans une position que mes genoux et dos n'aiment pas beaucoup... Reste l'entretien du jardin qui est moins statique.

Je rejoins Teacher à ce sujet L'avantage que je vois de vieillir, c'est qu'on se concentre sur l'essentiel,
Malgré mon âge, le bouddhisme que je pratique, la vieillesse, la maladie et la mort m'interpellent toujours et on ne meurt pas tous centenaires dans son sommeil...
Quand je vois autour de moi, je me rends compte que j'ai eu beaucoup de chances avec mes parents qui sont morts en ayant leur conscience jusqu'au bout et avec qui j'ai pu échanger jusqu'à la fin....

J'ai une relation à la mort particulièrement sereine. Il y a six ans, ma femme et mes enfants avaient dit aux chirurgiens de me laisser partir, que mes volontés étaient claires. Mais j'étais dans un hôpital catholique et mon cerveau émettait encore des signaux, donc ils m'ont sauvé malgré moi. Je crains plus la dépendance et la souffrance que la mort. Je compte me laisser opérer dans quelques semaines d'un nouveau gros anévrisme de l'aorte descendante. Quoi de plus cool que de partir, endormi, pendant une opération?
Pour moi, mon travail sur cette terre est terminé depuis longtemps. Mes enfants sont autonomes, j'ai donné autour de moi plus d'amour que ce dont je me croyais capable. J'ai consacré mon savoir et mes aptitudes aux autres pendant quarante ans. Que faire de plus?

Ma mère a 95 ans, en EHPAD depuis quelques mois. Quelle déchéance!

@iso, je te comprends parfaitement, mais je ne suis pas encore à ce stade. Ma famille a encore fortement besoin de moi, surtout après l'avc de mon épouse. Ma fille est aussi loin d'être indépendante !

Iso, ton message est profondément touchant. Je ne puis que te souhaiter une grande sérénité, jusqu'à la fin.

Sans doute, oui. Mais c'est un travail de couple... On ne peut, seul, arriver à un résultat satisfaisant. J'ai une épouse qui me convient parfaitement. On nous a souvent dit que nous formions un couple exemplaire. C'était à chaque fois un plaisir renouvelé.

Continue à transmettre tant que tu peux/veux, parce que tu donnes est irremplaçable. Transmettre de l'expérience à celui qui sait écouter, c'est lui donner de l'or. Merci Iso.