Merci Nemrod !
Ta comparaison et ta conclusion ouvrent plein de questions intéressantes.
D'abord, il y a la question de l'effet de seuil ou des effets de seuil. Si le crabe se laisse cuire, c'est parce qu'il ne s'en aperçoit pas, et pourtant, il y a :
- un moment à partir duquel l'environnement dans lequel il se trouve n'est pas compatible avec sa santé ;
- un moment ensuite ou la température atteinte ne permet plus sa survie ;
Soit deux moments où la variation quantitative devient, pour lui, qualitative.
Intellectuellement, du point de vue de l'analyse, ce sont des moments ou des phénomènes objectivement analogiques (continus) du point de vue clinique, doivent
du point de vue du sujet être appréhendés de façon numérique (binaire). Je sais que cette formulation est un peu abstraite, mais...
1/ elle pointe du doigt le fait que les questions de survie sont d'abord et fondamentalement individuelles. Pour rester dans le registre du crabe, certains organismes supportent mieux la chaleur, le froid que d'autres - c'est une évidence mais ce qui l'est moins, c'est que cela rend très difficiles (à mon sens impossibles) les conversations générales sur la survie... ou sur l'insécurité. Chacun n'a pas les mêmes seuils, la même endurance, ni les mêmes normes.
Toute conversation générale sur tel ou tel risque tend à oublier cela. Et à titre d'exemple, les posts sur les évacuations avec les bébés, à mon sens très bien vus, montrent combien on oublie combien certaines situations individuelles / familiales modifient complètement la donne.
2/ Du coup, "connais-toi toi même",
c'est aux individus de connaître leurs propres "seuils", et d'être à même de qualifier ce qui est pour eux la zone de danger.... Là encore c'est évident, mais si je ne me trompe pas, notre société fonctionne en permanence exactement à l'inverse de cette démarche en suivant deux tendances d'ailleurs étonnamment contradictoires :
- la démarche ordinaire est "si les autres le font, je dois pouvoir le faire aussi".
- le constat du dépassement d'un seuil est en général considéré comme relevant des pouvoirs publics. C'est le cas avec l'insécurité (classement en "zone sensible"), avec les catastrophes naturelles ("arrêté" constant l'état de catastrophe naturelle), avec la météo (déclenchement du plan canicule, annonce d'un risque d'avalanche...)
Pourtant, dans tous ces exemples, il est EVIDENT la réalité de la situation n'est évidemment pas la même selon les individus. Et il est évident aussi que l'appréciation de la situation par les pouvoirs publics n'indique... que le point de vue des pouvoirs publics et donc relève d'une échelle qui n'est pas, ne peut pas être et ne doit pas être la nôtre.
Cela implique de
réévaluer l'ensemble des risques à l'échelle individuelle. Ne pas attendre que le présentateur débile de la météo à la télé dise : attention, il y a une canicule pour protéger du soleil sa grand mère de 80 ans ou pour même pour reporter (ou décaler en début de matinée) une rando en plein cagnard. Ne pas conclure que "Une telle une telle et une telle sont rentrées à minuit des tas de fois pas ce chemin et il ne leur et rien arrivé. Marie est idiote d'avoir peur" : peut-être bien que Marie a raison.
A l'inverse, quand il y a un drapeau "risque d'avalanche", ne pas conclure que "oui, mais tout le monde y va" fait que c'est sans risque... "Tout le monde" est très doué pour faire, dire et raconter des conneries. Et quand il y a un risque de canicule, ne pas conclure que si tout le monde va à la rando, je peux bien le faire aussi...
Bref, ton exemple nous dit de
nous écouter.3/ Enfin, ton analogie avec le crabe me plaît enfin beaucoup parce qu'elle montre qu'il faut être très attentif aux "signaux faibles".
En revanche, et quand je parlais des questions soulevées par cette analogie, c'est à cela que je pensais,
l'analogie ne nous dit rien sur la réaction à adopter face au signaux faibles. Une simple élévation de température peut très bien ne rien vouloir dire... pour en décrypter le sens (la tendance), il faut une analyse du contexte et pour cela à la fois une très bonne information sur le contexte (présent et passé) et les moyens de comprendre cette information.
Si le crabe avait une meilleure compréhension du contexte (depuis sa rencontre avec une épuisette jusqu'au doux contact d'une main d'homme dans le décor d'une cuisine), je suis sûr qu'il sauterait fissa hors de la casserole, même froide...
Là où je ne rejoins donc pas tout-à-fait ton propos, c'est sur l'idée de multiplier les signaux faibles par deux ou par trois pour réagir par anticipation. Oui avec une multiplication de cet ordre, il est en effet très probable que l'on dépasse un seuil mais la question de probabilité pratique que se produise une telle multiplication est difficile à éluder.
Pour moi, l'analyse de cette probabilité implique de lire, vraiment, se former et s'informer, vraiment. C'est à dire : ni en images, ni à la télé, ni en deux minutes. Oui c'est long, oui, c'est fatigant, oui c'est difficile et oui, cela rend les conversations relativement impossibles avec son entourage.
... du coup, parfois, je me demande si le crabe n'a pas raison. Sa vie est plus courte, mais plus simple.